Risques Politiques : comment êtes-vous couverts en cas de guerre ?
Par Loïsa Ranunkel et François Delteil
François Delteil
Directeur Risques Politiques et Financements Structurés au sein d’AU Group
Dans le cadre du contexte actuel de guerre entre l’Ukraine et la Russie, les entreprises implantées en Ukraine sont mises à mal : destruction de sites, fermetures d’entreprises, … Selon vous, quels sont les principaux risques encourus par ces entreprises et comment sont-ils garantis ?
Les principaux risques sont les dommages aux biens - bâtiments, équipements mobiles, stocks - voire leur destruction complète, qui induisent des pertes au bilan des groupes implantés en Ukraine ainsi qu’à leurs filiales locales. En parallèle, les entreprises subissent également une perte de revenus liée à l’arrêt partiel ou complet de leurs activités dans ce pays.
Ces risques ne sont pas couverts par les polices dommages – le risque de guerre étant nommément exclu – et doivent donc être garantis par des polices spécifiques contre les risques politiques.
Pouvez-vous nous rappeler les risques couverts par l’assurance risque politique ? Comment interviennent les garanties ?
L’assurance risque politique couvre 3 types de risques :
- Les dommages physiques aux biens suite à des situations de violences politiques : guerre étrangère ou civile, émeutes, mouvements populaires, terrorisme, insurrections…
Comme pour les polices dommages, sont indemnisables les coûts de réparation ou les valeurs de remplacement des équipements non réparables, ainsi que la perte d’exploitation. - Les atteintes aux droits de propriété : confiscation, expropriation, nationalisation, empêchement de fonctionner des actifs locaux par le pays hôte ou désinvestissement forcé de la part du pays de l’Assuré. La perte d’actifs est alors indemnisée sur la base de leur valeur nette comptable dans les bilans de la maison-mère assurée.
- L’inconvertibilité/non transfert des flux financiers, et notamment de dividendes, entre filiales locales et maisons-mères, dus par exemple à l’institution d’un contrôle des changes. Sont indemnisées les sommes ayant fait l’objet d’une demande de conversion en Euro ou en dollar non exécutées après un certain délai par les autorités monétaires locales.
Avez-vous un exemple d’application de ce type de police d’assurance, un cas concret à nous décrire ?
On assiste malheureusement, depuis quelques années, à une intensification de ces phénomènes qui portent atteinte aux entreprises. Nous pouvons citer les émeutes au Sénégal pendant lesquelles des dizaines de magasins Auchan ont été pris pour cible en mars 2021.
Plus en détail, pour les risques d’atteintes à la propriété par exemple, un bonne illustration est la confiscation par le gouvernement du Gabon en 2018 des actifs de la filiale locale de Veolia qui assurait la distribution d’eau potable et d’électricité sur l’ensemble du territoire gabonais.
La récente loi promulguée par Vladimir Poutine autorisant les compagnies aériennes russes à faire réimmatriculer en Russie les avions loués auprès de sociétés étrangères pour les exploiter directement en Russie est aussi une belle matérialisation de ce risque.
La Russie est d’ailleurs un territoire riche en exemple, car le risque d’inconvertibilité est également déjà matérialisé par le contrôle des changes imposé suite aux sanctions occidentales – les compagnies ne peuvent plus rapatrier librement des € ou des $.
Le risque de cessation d’activité sur le territoire russe du fait de l’Etat français (désinvestissement forcé) est également manifeste aujourd’hui sur ce pays.
Comment s’y prendre finalement pour garantir son risque de façon optimale ?
Les risques politiques étant particulièrement imprévisibles, il est préférable de mettre en place des programmes multi-pays afin d’optimiser les capacités d’assurance sans trop d’anti-sélection, et si possible à un moment où les risques pays requis ne sont pas trop dégradés, ce qui permet d’éviter des exclusions ou des hausses de prime importantes.
Il est possible de mettre en place des programmes garantissant tous les risques politiques en même temps, néanmoins des scissions de garantie par exemple entre les risques de violence politique et les risques d’atteintes à la propriété peuvent être quelquefois pertinentes, les capacités en violence politique sur des pays difficiles étant en général plus importantes.