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L’immobilier résidentiel neuf se porte mal dans notre pays. Si la construction de logements collectifs, privés comme sociaux, a ralenti, c’est le marché des maisons individuelles qui est le plus éprouvé. L’année va se terminer avec une baisse des ventes proche de 30%, les huit premiers mois ayant déjà enregistré un recul de 27% par rapport à la même période de l’an dernier et la dégradation s’accentuant. La tentation est grande, et beaucoup d’observateurs y cèdent, de voir dans l’inflation la cause du mal. C’est d’ailleurs la grille de lecture de tout ces temps-ci, un peu comme le médecin du Malade imaginaire répond « le poumon, le poumon vous dis-je » en guise de diagnostic de toutes les affections que le patient lui énumère.

On ne peut nier que deux effets liés directement à l’inflation se conjuguent pour porter au marché des maisons individuelles un coup sévère, la flambée du coût des matériaux de construction d’une part, la dégradation de l’accès au crédit des ménages d’autre part. Le coût de fabrication d’une maison est enchéri de l’ordre de 15% par l’inflation, de nombreuses matières premières étant concernées par ce dérèglement consécutif au conflit ukrainien, mais aussi à l’arrêt de l’économie pendant la pandémie. Par voie de conséquence, les tarifs des maisons proposées aux Français sont désormais déconnectés de leur solvabilité, et les commandes voient leur nombre se réduire mécaniquement. Pire encore: les constructeurs, qui travaillent dans le cadre du contrat de construction de maison individuelle (CCMI) créé par la loi du 19 décembre 1990 d’ordre public, sont astreints à un prix convenu lors de la commande et les maisons qui sont livrées depuis les derniers mois et pour les mois qui viennent sont produites à des coûts bien supérieurs à ce que le prix prend en compte… En clair, les entreprises sont contraintes de dégrader leurs marges.

S’agissant du crédit, entre le taux d’usure, dont le calcul a du retard par rapport à la vitesse d’évolution de l’inflation et qui prive purement et simplement de crédit immobilier une proportion importante de candidats à l’acquisition, et la hausse des taux, on estime que près d’un dossier sur deux n’aboutit pas. Or, ces risques menacent prioritairement les jeunes ménages, primo-accédants, qui constituent l’essentiel de la clientèle naturelle des constructeurs de maisons individuelles. Le gouvernement ne pourra pas ignorer longtemps la situation, qui empêche des milliers de familles de réaliser leur projet immobilier: à défaut de pouvoir juguler les taux, il faut maintenir un prêt à taux zéro utilisable en zones tendues et moins tendues, là où les Français ont envie de vivre, et il faut revoir les modalités de calcul du taux d’usure, en le rendant mensuel pour suivre le rythme soutenu de l’inflation, ou encore en en retirant l’assurance emprunteur.

Il reste que ces problèmes conjoncturels cachent un embarras structurel, que les pouvoirs publics doivent lever au plus tôt: le sentiment donné par les discours publics depuis deux ans, plus encore qu’avant, que la transition environnementale ne fait pas bon ménage avec la maison individuelle. On se rappelle les propos discréditant ce type d’habitat tenus par la ministre du logement Emmanuelle Wargon en clôture du chantier de réflexion prospective « Habiter la France de demain »: elle avait décrété la fin de cette maison avec leur terrain, sur lequel les propriétaires pouvaient faire un barbecue. Elle avait ainsi stigmatisé quelque 18 millions de ménages qui vivent en habitat individuel… Il se trouve en outre qu’invariablement, toutes les enquêtes révèlent que la maison individuelle, fût-ce après les paroles dures prononcées, demeure ce que préfère les Français très majoritairement, entre 65% et 75% selon les sondages depuis quarante ans. Ce phénomène s’accorde qui plus est parfaitement du goût avoué depuis la Covid plus qu’avant pour les villes moyennes et leur périphérie, et pour les territoires ruraux. L’attractivité n’est plus concentrée dans les onze métropoles de notre pays et un nouvel équilibre se fait jour, sous l’impulsion des accédants à la propriété. Bref, la maison est moderne et actuelle. Mais alors il est vital qu’elle entre dans le mouvement de la transition écologique… Et si elle y était déjà? Elle y est parce qu’elle se bâtit dans des territoires plus verts, qu’elle offre plus d’espace et qu’elle est plus lumineuse que la plupart des appartements en immeuble collectifs: ces critères de choix ont été mis en avant par le rapport Girometti-Leclercq précisément commandé par Emmanuelle Wargon en 2021.

Il y a bien longtemps aussi que la maison individuelle se soucie de la sobriété foncière: l’objectif « zéro artificialisation nette » fixé par la loi Climat-résilience du 24 août 2021 a été présenté comme contradictoire avec le concept d’habitat individuel. Pourtant, en vingt ans, la superficie moyenne de la parcelle a été divisée par dix, passant de 3000 m2 à 300m2. Certes, l’augmentation du prix des terrains en est une raison, mais le résultat écologique est là. Incontestable également l’évolution des concepts: on édifie des maisons mitoyennes, ou encore des maisons à étage, favorisant l’habitat intergénérationnel. On densifie, en considération des enjeux du développement durable. Les modes constructifs eux-mêmes ont progressé, avec un mix pertinent entre productions hors site et sur site, recourant à des circuits courts et à des matériaux locaux

Les maires doivent être rassurés sur la compatibilité de la maison individuelle avec les impératifs de la transition énergétique. Le gouvernement doit s’employer à ce résultat. D’évidence, la prise de conscience a commencé au sommet de l’État: au Congrès des maires, la secrétaire d’État à la ruralité, Dominique Faure, a incité les élus, notamment ruraux, à exploiter au maximum les possibilités offertes par les plan locaux d’urbanisme intercommunaux d’ici à à 2030, échéance à laquelle le pays devra avoir divisé par deux sa consommation foncière…mais qui laisse des perspectives à utiliser! On sent un vent de réhabilitation souffler sur la maison individuelle et c’est heureux. Heureux pour les professionnels ? Oui, heureux d’abord pour les millions de Français qui sont attachés à ce qui est un authentique mode de vie, plus qu’un habitat. Ignorer leurs désirs exposerait le pays à des tensions sociales, dont les plus lucides des responsables politiques ne cachent pas le risque.

À éviter dans l’intérêt de la sérénité et du bonheur de la France et de ses territoires. Il faut permettre à nos compatriotes d’aimer la maison individuelle et de l’assouvir.

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