Relance nucléaire : « Passons des débats à l'action »
Tribune de Didier DAOULAS, Directeur

Y aurait-il en France un momentum autour du nucléaire ? Force est de constater ces dernières années que la filière, longtemps délaissée, s’est remise en ordre de marche.
De la création d’une Délégation interministérielle au nouveau nucléaire (DINN) au Plan France 2030, cet élan a été rehaussé par le volontarisme affiché de l’État français dans la relance du nucléaire civil. En complément du renouvellement du parc et du programme EPR2, l’accent est particulièrement mis sur le soutien à l’innovation, une caractéristique historique du secteur : l’émergence des projets de petits réacteurs modulaires (SMR) en est une preuve notable.
Cette mise en musique au plus haut niveau, relayée par les appels à la mobilisation du GIFEN, l’organisme fédérateur de la filière nucléaire, a eu le mérite de donner plus de visibilité aux acteurs d’un tissu industriel qui représente 2 000 entreprises et un marché de 50 milliards d’euros !
Continuer à faire bouger les lignes
L’on ne peut que se réjouir de cette dynamique collective tant l’énergie nucléaire s’impose comme l’une des solutions pour répondre à trois défis qu’il s’agit de tenir ensemble : décarboner l’industrie, maintenir la souveraineté énergétique de la France et maîtriser les coûts. Mais gardons la tête froide et passons véritablement des débats à l’action pour éviter de rester au milieu du gué. Les études de design des réacteurs de forte puissance ne sont toujours pas terminées, le plan de financement de ces installations est encore en cours de montage… Il est donc essentiel de garantir le succès pérenne d’une telle relance et de capitaliser pleinement sur l’excellence technique de la filière, en embarquant de façon coordonnée l’ensemble de ses acteurs, les exploitants bien entendu, mais aussi les industriels, les financiers et les assureurs.
Dans le domaine du nucléaire, dont les projets impliquent des investissements massifs et des besoins qui le sont tout autant en matière de ressources humaines, difficile de s’extirper d’une pensée stratégique sur le temps long. Difficile également de passer outre une réflexion sur le cadre juridique et réglementaire à mettre en place de façon stable. C’est un enjeu à anticiper tout particulièrement en ce qui concerne les conditions contractuelles régissant les relations entre prestataires et exploitants. En faveur de quel modèle industriel l’État français, dans un paysage nucléaire historiquement dominé par un exploitant unique, souhaite-t-il arbitrer ? Ce sera un chantier majeur à mener, avec clarté et cohérence, pour matérialiser le renouveau du nucléaire au cœur des territoires et notamment, pour accompagner le développement des SMR au plus près des parties prenantes, de leurs besoins, de leurs attentes.
Ces attentes, il s’agit avant toute chose de les comprendre. C’est ce qui permettra d’accompagner les acteurs de la filière nucléaire dans ce qui constitue une condition sine qua non au financement de leurs projets et de leurs activités : le traitement des risques. Sur ce plan, le rôle des assureurs est primordial.
Pas de financement du nucléaire sans assurance !
C’est depuis très récemment que les marchés de l’assurance et de la réassurance ont dépassé une méconnaissance certaine des risques qui a pu justifier jusque-là leur présence réduite au sein du tissu nucléaire français. Pendant longtemps, les capacités proposées en matière de responsabilité civile étaient faibles et les garanties d’assurance insuffisantes. L’on doit donc saluer leur appétence récente à travailler dans la filière. Aujourd’hui, face à la nouvelle donne des SMR ou aux progrès dans la gestion des déchets nucléaires, nombre d’entre eux s’impliquent, ajustent leurs offres, diversifient les produits d’assurance.
Sera-ce suffisant ? Après une plus grande connaissance des risques, la nouvelle étape à franchir sera celle de leur traitement, pour répondre toujours plus aux besoins des industriels assurés. Or, ce traitement, que ce soit par la prévention, la conservation ou le transfert, ne sera possible que pour autant que seront suffisamment mobilisées les capacités des marchés de l’assurance et de la réassurance, français comme étrangers.
Dans un environnement réglementaire toujours plus strict, il importe donc de continuer à mener auprès d’eux un travail d’acceptabilité et de valorisation des nombreux atouts de la filière, de la qualité de sa sûreté, intrinsèque par conception, à sa sinistralité par voie de conséquence très faible. Il en va de la viabilité de la relance du nucléaire français dont chaque acteur est un maillon, au service d’une durabilité maîtrisée et d’une souveraineté énergétique préservée.